Le silence éternel des espaces infinis m'effraie

 

Redon, Odilon (Bordeaux, 22–04–1840 - Paris, 06–07–1916), dessinateur
Vers 1870
Signature - A gauche vers le milieu et verticalement : "ODILON REDON"
Inscription - En bas : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie / (Pascal)"
Marque de collection - Estampée à l'encre noire : "VILLE DE PARIS"
Description iconographique

Illustrant une "Pensée de Pascal", ce dessin montre un personnage nu appuyé sur un rocher, dans un grand paysage fantastique.

Voilà l’un des fragments les plus emblématiques des Pensées, avec cette première personne que nous, modernes, prenons pour l’expression d’une angoisse existentielle intime. Pascal représente l’incrédule placé devant le monde infini issu de la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles.

Pascal : "Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même. Je suis dans une ignorance terrible de toutes choses."
Pascal : "Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même. Je suis dans une ignorance terrible de toutes choses." © Getty / Traveler1116

Le silence des espaces cosmiques rompt avec l’idée d’un univers ordonné selon l’harmonie musicale des sphères et impose une solitude tragique.

Les modernes ont personnalisé cette inquiétude, en se fondant notamment sur le témoignage tardif d’un abbé s’adressant à une jeune femme sujette à des terreurs imaginaires et rapportant cette anecdote relative à Pascal : « Ce grand esprit croyait toujours voir un abîme à son côté gauche et y faisait mettre une chaise pour se rassurer. » Baudelaire s’en inspira dans un sonnet, Le Gouffre :

Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
- Hélas ! tout est abîme, - action, désir, rêve,
Parole ! Et sur mon poil qui tout droit se relève
Maintes fois de la Peur je sens passer le vent.

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve.

J'ai peur du sommeil comme on a peur d'un grand trou,
Tout plein de vague horreur, menant on ne sait où ;
Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres,

Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.
Ah ! ne jamais sortir des Nombres et des Etres !

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